mercredi 27 août 2014

La surprenante communication de l'État islamique sur les réseaux ... - Le Figaro

Sur Facebook, Twitter ou Instagram, les djihadistes font de la propagande et espèrent recruter de nouveaux membres. En alternant des photos de chats et de nourriture avec des vidéos ultraviolentes.



À première vue, il s'agit d'un compte Twitter banal. Son propriétaire, dont on ne connaît ni le nom ni le visage, partage à ses 900 followers des citations, des photos de ses amis ou de ses repas. Il n'est pourtant pas un internaute comme les autres. Dans sa courte biographie, l'homme affirme fièrement combattre aux côté de l'organisation armée djihadiste de l'État islamique. «J'ai hâte que l'EI décapite enfin son premier soldat américain!» écrivait-t-il le jour de l'assassinat du journaliste James Foley en Syrie. Le tout est ponctué d'un smiley et d'un hashtag.


Terrifier, recruter et informer


Ce compte n'est pas une exception. Tels des militants en campagne, les sympathisants et les membres de l'État islamique utilisent les réseaux sociaux pour propager leurs valeurs et leurs actions. Les publications sont multilingues: en arabe, en anglais ou, plus rarement, en français et en allemand. Sur Facebook, Twitter ou Instagram, ces internautes anonymes relaient les messages de leur organisation et postent des photos pour dénoncer le conflit de Gaza ou la guerre en Irak. Certains comptes, alimentés par des combattants en Irak ou en Syrie, publient également des images choquantes de victimes de l'État islamique.


La présence de militants islamistes sur Internet n'est pas nouvelle, mais elle a évolué au fil des années. «Il y a dix ans, ils fréquentaient des forums plus ou moins secrets», explique Romain Caillet, chercheur à l'Institut français du Proche-Orient et consultant sur les questions islamistes. «Aujourd'hui, ils sont sur les réseaux sociaux pour terrifier les opinions publiques, mais aussi recruter et informer leurs partisans.»


Pour convaincre des futurs membres, les combattants de l'État islamique dévoilent des bribes de leur quotidien pour humaniser leur combat. Les images violentes se mèlent à des photos de chatons ou de moments de détente partagés entre combattants. Un homme s'amuse par exemple à publier des images de son repas sous le hashtag #Jihadtourism («le tourisme du djihad»), comme quelqu'un partagerait des photos de vacances. D'autres publications, d'apparence badine, donnent un meilleur aperçu de la stratégie de recrutement des djihadistes: «nourrir les pauvres nous permet de recruter beaucoup de nouveaux membres», plaisante un internaute qui se bat en Syrie, en publiant une photo de sacs en plastique remplis de victuailles.


Une vague de suspensions sur Twitter


La plupart des sites utilisés par les militants de l'État islamique sont des plateformes américaines. Un comble pour une organisation particulièrement virulente contre les États-Unis. «Il y a une véritable contradiction», confirme Romain Caillet. «Certains djihadistes regrettent l'époque des forums pour cette raison.» Comme les autres internautes, les militants de l'État islamique apprécient pourtant les réseaux sociaux américains pour leur simplicité d'utilisation et leur large audience. La vidéo de l'assassinat de James Foley a d'abord été diffusée sur YouTube puis sur Twitter. On trouve des groupes de soutien à l'organisation djihadiste sur Facebook. La plateforme de partage d'images et de texte justpaste.it est également largement utilisée à des fins de propagande. Dans une publication, on voit des enfants malades soignés par des médecins de l'État islamique, qui posent avec le drapeau de l'organisation.


Face à cet engouement, les réseaux sociaux essaient de s'organiser. Facebook, qui modère les contenus violents, fait la chasse à la propagande. Sa portée est néanmoins limitée car la plupart des comptes sur le réseau social sont privés. De son côté, YouTube a presque aussitôt retiré la vidéo de l'assassinat de James Foley lors de sa publication. La plateforme de streaming de Google dispose d'une technologie de détection des contenus problématiques, mise au point à l'origine pour lutter contre le piratage.


Le cas de Twitter, particulièrement plébiscité par les djihadistes pour son caractère public, est plus complexe. Le site a déjà suspendu plusieurs gros comptes liés à l'État islamique. Cette mesure reste exceptionnelle: Twitter n'effectue qu'un contrôle a posteriori des tweets. Les publications problématiques doivent être signalées par les utilisateurs pour faire l'objet d'un contrôle. Avant d'être suspendu, un compte doit avoir été à l'encontre des règles du réseau social, qui interdisent la violence ciblée et les menaces. Les contenus choquants ne sont pas interdits tant qu'ils ne sont pas dirigés vers une personne ou une entité spécifique. Des membres de Twitter ont donc pris les devants en appelant au boycott des publications de l'État islamique, afin de ne pas leur donner davantage d'attention. Le gouvernement américain a également mis en place un compte destiné à répondre aux militants de l'État islamique sur Twitter .


La vague de suspension de comptes Twitter à la suite à la mort de James Foley a provoqué la fuite de certains membres de l'État islamique vers une nouvelle plateforme, diaspora*. Ce réseau social open-source permet la création de communautés en ligne. Dans un post de blog publié mercredi, les créateurs du site admettent le phénomène et annoncent avoir entamé des discussions avec les gérants de ces groupes. «La nature décentralisée de notre réseau fait notre force», expliquent-ils. «Néanmoins, elle rend aussi plus difficile le contrôle des activités inappropriées.» Cette migration concernerait principalement les comptes officiels de l'État islamique, qui se servent de diaspora* pour publier du contenu que peuvent ensuite diffuser leurs militants. «Les simples partisans continueront d'utiliser Twitter pour apporter leur soutien à l'organisation», estime Romain Caillet. «Avant, Al-Qaida envoyait ses vidéos de propagande aux chaînes de télévision comme Al Jazeera. Avec Internet, les djihadistes disposent aujourd'hui de leur propre média.»







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