jeudi 18 septembre 2014

Evaluer les risques liés aux réseaux sociaux d'entreprise - Les Échos


Cet article est proposé en partenariat avec Personnel, la revue de l’ANDRH


Quels sont aujourd’hui les enjeux et risques de la mise en œuvre de réseaux sociaux d’entreprise ?


La pire erreur serait de traiter ce projet comme un projet informatique en comptant sur les fonctionnalités offertes par la plate-forme logicielle. Il s’agit au contraire d’une démarche humaine et organisationnelle. Naturellement les risques d’échec ou de détournement sont nombreux et peuvent mettre en péril l’équilibre social : risque de contournement des règles institutionnelles, de non-utilisation, de perte de productivité, de fracture sociale, etc. Quand ces risques du déploiement de réseau social interne sont évoqués, les parties prenantes privilégient souvent l’émotion au détriment de la raison. Elles se laissent porter par des peurs (dérives) ou des croyances (perte de productivité) au lieu d’appliquer une méthode d’évaluation et d’analyse des risques.


Quelle méthode d’évaluation des risques préconisez-vous ?


Je recommande une méthode de cartographie des risques de type « description / probabilité / impact ». Il s’agit de définir précisément le type de détérioration provoquée en cas de concrétisation, d’évaluer les dommages que le sinistre pourrait engendrer et la potentialité de survenance.


Sur l’axe « IMPACT » l’évaluation est sur une échelle de 0 à 4 :


•Impact stratégique (niveau 4) : tout événement susceptible d’entraîner l’arrêt immédiat d’une activité ou d’entraîner des sanctions judiciaires au plus haut niveau ;


•Impact critique (niveau 3) : tout événement pouvant entraîner des pertes financières importantes, une perte de clientèle, une nuisance organisationnelle importante ou constituer une infraction majeure à la législation,


•Impact sensible (niveau 2) : tout événement pouvant entraîner des pertes financières significatives, une nuisance organisationnelle jugée significative par l’usager, ou constituer une infraction mineure à la législation; - Impact faible (niveau 1) : tout événement pouvant entraîner des pertes financières faibles ou une nuisance organisationnelle faible ;


•Impact nul (niveau 0) : tout événement dont l’impact est non-significatif.


Sur l’axe « PROBABILITE », l’évaluation est aussi sur une échelle de 0 à 4 :


•Très probable (niveau 4) : sinistre de forte probabilité, incidents à caractère récurrent pouvant survenir plus d’une fois par mois


•Probable (niveau 3) : sinistre de probabilité moyenne, de l’ordre d’une fois par trimestre.


•Improbable (niveau 2) : sinistre de faible probabilité, survenant moins d’une fois par an.


•Rare (niveau 1) : sinistres constatés dans d’autres secteurs ou pays, mais jamais pour l’activité de l’entreprise concernée. - Impossible (niveau 0) : sinistres qui ne peuvent survenir. Le risque n’existe pas.


Le risque de fracture sociale est l’un des risques souvent évoqués lors de la mise en œuvre de réseaux sociaux d’entreprise. Où se situe-t-il dans la cartographie des risques ?


Tous les salariés ne sont pas égaux face à l’usage des nouvelles technologies. Or si les médias sociaux deviennent incontournables pour recréer le lien social dans l’entreprise , le risque d’exclusion d’une partie des collaborateurs est fort. C’est le cas pour les seniors qui ont vécu l’arrivée de l’informatique au travail tardivement, mais aussi pour les jeunes générations issues de milieux défavorisés. Tous les jeunes ne sont pas nés avec un ordinateur et une connexion Internet. Il est fondamental de prendre en compte ces minorités. Une fois le risque décrit, il faut évaluer son impact. La mise en œuvre d’un nouveau mode d’interfonctionnement qui exclurait une partie significative de ses effectifs peut fragiliser la performance de l’entreprise. Ce risque est progressif car l’installation de ces nouveaux modes de fonctionnement digitaux n’est pas instantanée. Aussi, ce risque pourrait être évalué en risque sensible (niveau 2). Le potentiel de réalisation de ce risque dépend fortement des caractéristiques de l’entreprise. Il n’est pas le même dans une start-up de 300 salariés et dans une entreprise de 100.000. Dans une grande entreprise française, la moyenne d’âge est souvent supérieure à 45 ans. Pour les jeunes salariés la proportion de jeunes recrutés dans des fonctions de cadre versus non cadre sera aussi déterminante. Le risque peut être classifié comme probable ou moyen (niveau 3). Le risque de fracture sociale apparaît endiguable.


Comment endiguer ce risque de fracture sociale ?


Quelques actions d’anticipation et de réduction permettent d’endiguer ce risque. La première étape est de s’assurer du ressenti des collaborateurs quant à la mise en œuvre des réseaux sociaux en touchant un panel représentatif de l’entreprise : cadres, non-cadres, jeunes, seniors, vendeurs, techniciens, etc. Il est possible de réaliser des sondages pour identifier les freins et les leviers. Une méthode plus instructive consiste à réaliser des focus group en travaillant une demi-journée avec une quinzaine de personnes représentatives et réalisant un « brainstorming » sur les freins et leviers. L’analyse des verbatims permet d’appréhender les attentes et les craintes des salariés.


Quelles sont les étapes suivantes ?


La deuxième étape consiste, lors des développements logiciels et la mise en œuvre des fonctionnalités-clés du réseau social, à construire avec un groupe de collaborateurs représentatifs de la diversité de l’entreprise, le « parcours utilisateur ». L’idée consiste à favoriser au maximum la simplicité d’usage ainsi que le « look’n’feel» de l’application. Il s’agit également de travailler l’accessibilité pour les personnes handicapées (malvoyants notamment). Pour ce travail, l’aide des ergonomes est fondamentale. Une phase pilote est la bienvenue pour manipuler la plate-forme dans des conditions d’exploitation et corriger avec les utilisateurs les éventuels écarts entre les besoins exprimés et la réalité des développements. La troisième étape réside dans la mise en œuvre d’un plan d’accompagnement du changement, d’un plan de communication ciblant l’ensemble des parties prenantes (top managers, managers de proximité et collaborateurs) et d’un plan de formation. La description et l’évaluation de l’ensemble des risques en fonction de leur impact et de leur probabilité donne une cartographie complète et permet de prioriser les efforts sur les risques les plus importants. En effet, l’énergie et les moyens sont à développer prioritairement sur les risques à fort impact et à forte probabilité. Des actions d’anticipation permettront, de manière préventive, de diminuer la probabilité et de réduire les risques identifiés comme prioritaires. Le projet se déroule alors de manière maîtrisée.







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