mardi 30 septembre 2014

Quand les réseaux sociaux empêchent la rupture - Marie Claire


Charlotte, 35 ans, séparée de son compagnon après sept ans de relation, évoque cet instant clé : « Quand j'ai supprimé mon ex de mes amis sur Facebook, il m'a aussitôt appelée en pleurant. Pour lui, c'était pire que tout. » Une réaction excessive qui peut prêter à sourire mais qui souligne la nécessité à apprivoiser, via la Toile, de nouveaux codes post-rupture.


Si, à l'image de la vie réelle, il faut faire le ménage dans son existence virtuelle (retirer ses photos de couple, supprimer son ex-compagnon de ses contacts, etc.), le protocole a son importance : « Il est préférable que la personne quittée supprime tout avant l'autre, conseille Lisa Letessier. Car, dans la situation inverse, cela peut être humiliant ou dévalorisant. Elle peut se sentir dépossédée de son rituel de deuil. » Sans compter que, sur les réseaux sociaux, « la mise en scène de notre vie sociale et amoureuse laisse des traces publiques de notre couple fraîchement séparé », observe le psycha- nalyste Michael Stora (4).


A l'aube de leurs 30 ans, Louis décide de quitter Marion, après quatre ans de vie commune. Un choc brutal pour la jeune femme. « En colère, je l'ai aussitôt supprimé de mes réseaux sociaux. J'imposais mon choix et je montrais que je n'avais plus besoin de lui. J'ai néanmoins demandé à deux de mes amies de ne pas l'occulter de leurs sphères virtuelles. J'avais recruté mes espionnes , et je pouvais ainsi grappiller quelques bribes de sa vie. » Internet serait-il devenu le 007 de notre vie intime ? Selon une étude réalisée en 2012 par Veronika Lukacs (5), 90 % des utilisateurs de Facebook se servent du réseau social afin de garder un oeil sur leur ex. Aujourd'hui, nul besoin de jouer les détectives tous terrains, il suffit de regarder par les fenêtres du Web pour deviner son quotidien et spéculer sur ses états d'âme. « Nous succombons à la tentation de fouiller dans la vie de l'autre car nous n'avons plus de contrôle sur lui », analyse Yann Leroux. Et quand bien même nous tenterions d'effacer sa présence de nos écrans, l'effet « Toile » viendrait entraver nos stratégies d'évitement. Car si nous supprimons nos liens directs avec notre ex-conjoint, nos amis et les amis de nos amis peuvent poster des photos, liens, commentaires qui font écho à notre couple passé. « Il est plus difficile de faire le deuil de la relation que de faire le deuil de l'autre », précise Michael Stora.


Tout ce qui nous rappelle sa figure (photo, objet, odeur...) empêche de cicatriser. « Durant la première phase de séparation, on lutte contre soi-même, et les souvenirs idéalisés nous tyrannisent. Or tout le travail psychique du deuil consiste à accepter que l'autre disparaisse », poursuit le psychanalyste. Gare, alors, aux effets pervers de la vie rêvée postée sur Facebook.


Durant les premières semaines suivant leur séparation, Mitia, 37 ans, n'a pas réussi à supprimer son ex-mari de ses réseaux sociaux : « J'y voyais des photos de lui à l'apéro, avec mes ex-amis, en vacances en Sicile, en week-end à Deauville... toujours avec le sourire et souvent bien accompagné. » Face à cette existence fabuleuse que lui infligeait l'homme qui a partagé sa vie, Mitia renchérissait : « Je me surprenais à mettre en scène ma vie pour qu'il voie à quel point, moi aussi, j'allais bien. Même si, en réalité, il m'arrivait de pleurer, roulée en boule sur mon canapé. C'était une sorte de compétition malsaine alimentée par des photos et des statuts volontairement positifs. » Quelques mois plus tard, elle tombe sur un cliché sans équivoque, sobrement titré : "Love, love, love à Barcelone ». « Cela m'a fichu une claque, mais au moins Facebook avait été, pour une fois, utile en me connectant à cette réalité. » Alors pourquoi tardons-nous à déconnecter ?







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