vendredi 31 octobre 2014

Burkina Faso : une révolution 2.0, vraiment ? - Jeune Afrique


Le Burkina Faso vit-il une révolution 2.0 ? Sur Twitter, le hashtag #lwili a été la star de la journée du 30 octobre. Il ne faut cependant pas surestimer l'influence des réseaux sociaux.


Comme à chaque soulèvement populaire depuis la révolution tunisienne, on a tôt fait de voir fleurir le qualificatif de révolution 2.0. En partie à raison, tant les réseaux sociaux, Facebook et Twitter en tête, sont devenus des composantes à part entière des contestations. Pourtant, pour revenir sur la journée du 30 octobre au Burkina, que d'aucuns ont déjà baptisé "révolution de l'hirondelle", l'analyse est également erronée. Voici pourquoi le Burkina Faso ne vit pas vraiment sa révolution 2.0.


Parce que le média le plus suivi reste la radio


Certes, le hashtag #lwili a été utilisé plus 25 000 fois dans la seul journée du 30 octobre, quand #brukina dépassait les 35 000 utilisations. Pourtant, toute la journée, c'est davantage la radio, et en particulier Radio Omega, basée à Ouagadougou, qui a donné le ton des manifestations et pris le pouls des événements, que ce soit dans la capitale ou à Bobo Dioulasso, la deuxième ville du pays.


De plus, le réseau internet a été régulièrement coupé dans la journée, en particulier dans la matinée, tout comme le réseau téléphonique était vacillant en début de journée. Dès lors, les médias traditionnels ont logiquement pris le dessus, la radio en tête, d'autant que la RTB, la chaîne nationale burkinabè a été privée d'antenne.


Parce que les acteurs majeurs du 30 octobre se sont peu exprimés sur Twitter


Ils n'ont pas été tout à fait absents des réseaux sociaux mais les principaux acteurs du 30 octobre sont restés relativement muet sur Twitter alors qu'ils ont logiquement privilégié la radio, puis la télévision, pour faire passer leurs messages aux Burkinabès. Côté opposition, Zéphirin Diabré, chef de file, et Roch Kaboré, un des dirigeants, ont tout de même tweeté, affichant même leurs divisions dans l'après-midi.


Le président Compaoré était également présent, via son compte officiel, sans toutefois occuper beaucoup d'espace avec un appel au calme lancé dans l'après-midi, qui a plutôt suscité la colère des internautes. Il a revanche, par deux fois, privilégier les médias traditionnels, la radio d'abord, puis une chaîne de télévision privée, tard dans la nuit.


L'armée, qui joue un rôle majeur, sinon central, dans les événements, n'a quant à elle absolument pas communiqué sur Twitter. Elle s'est contentée de conférence de presse retransmise à la radio. Les informations ont ensuite été relayées par les journalistes et observateurs présents sur les réseaux sociaux.


Parce que Twitter n'a pas aidé les manifestants...


Aucun mot d'ordre d'importance n'a circulé sur les réseaux sociaux durant la journée du 30 octobre. D'abord, parce qu'Internet a été régulièrement coupé. L'opposition a d'ailleurs semblé dépassée par les événements en milieu d'après-midi : alors que Zéphirin Diabré appelait au calme sur son compte Twitter, les manifestants se dirigeaient vers le palais présidentiel de Kosyam et se retrouvaient face à face avec la garde présidentielle.


Vers 9h du matin, heure de Ouagadougou, le Balai citoyen, une importante organisation de la société civile, demandait sur Twitter à stopper la mobilisation face à l'état-major des armées. Son tweet n'aura été partagé que trois fois en deux heures. Pas de quoi influencer des dizaines de milliers de manifestants.


Parce que les réseaux sociaux ont surtout servi à internationalisé l'événement


Si les réseaux sociaux n'ont pas été à l'impulsion des événements du 30 octobre, ils ont en revanche amplifié leur impact. Ainsi, le tweet de Blaise Compaoré, lançant "un appel au calme et à la sérénité" a été retweeté à 253 reprises. Outre les journalistes, de Grande Bretagne, des États-Unis ou de France, les blogueurs se sont tout particulièrement emparés du sujet, notamment au Sénégal et en Côte d'Ivoire, où l'importante communauté burkinabè a particulièrement suivi les événements, comme le montrent les liens entre les hashtags associés au Burkina et à la Côte d'ivoire.


#lwili a été utilisé dans tous les pays d'Afrique de l'Ouest, d'autant que les rumeurs de fuite de Blaise Compaoré à Abidjan, Dakar ou Accra ont persisté toute la journée. Le hashtag a également logiquement eu un franc succès au Rwanda, en RDC et au Congo-Brazzaville, dont les populations sont particulièrement intéressées par le fond de la question : le changement de constitution. Les internautes français ont également été très présents sur le fil de l'information burkinabè, en particulier après que Jeune Afrique ait révélé la mise en garde de François Hollande à Blaise Compaoré le 7 octobre dernier.


Parce que la révolution serait panafricaine


Quand on parle du Burkina, difficile de ne pas évoquer Thomas Sankara. Et, en l'occurrence, ce 30 octobre a Nombre de personnalités politiques étrangères ont également largement commenté la journée depuis leur pays d'origine. C'est notamment le cas de Rama Yade, ancienne secrétaire d'État aux droits de l'homme françaises, et d'origine sénégalaise, ou encore celui de Vital Kamerhe, en RDC.


Si Twitter n'a pas provoqué ou structuré la journée de protestation du 30 octobre, qu'une page Wikipédia nomme d'ores et déjà "révolte burkinabè", il a en revanche traduit l'attention portée par les populations des pays voisins aux problématiques de constitution. Les noms de Denis Sassou Nguesso, Joseph Kabila et de Paul Kagamé sont ainsi les plus fréquemment cités parmi les tweets, tout comme celui du Burundais Pierre Nkurunziza.


Pas d'impulsion donc mais bien un message passé aux #changeursdeconstitution, comme les ont baptisés certains twittos. Un avertissement bien 2.0 cette fois.







source par

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire